Hymne au voyage en bus

Voyager au Laos ne demande pas beaucoup d’aptitudes de voyageur intrépide, surtout depuis le développement ultra rapide du tourisme. Vous voulez vous déplacer rapidement et avec confort? Rien de plus simple! Minivan ou bus VIP à votre disposition et presque au même prix que le bus local en plus. Oui mais voilà, le minivan, c’est beaucoup moins intéressant. Alors pour sortir un peu des sentiers battus, il faut avant tout avoir un bon « Lao-décodeur », que nous avons acquis après cinq mois sur les routes d’Asie, et avoir un peu la tête dure!

Exemple d’utilisation du « Lao-décodeur » ( =>#?> ).

  • Bonjour, nous souhaitons nous rendre à Paxsan, savez-vous si il y a un bus?
  • Paxsan, non impossible =>#?> Hmm, il y a donc un moyen!
  • Paxsan, oui c’est possible, mais uniquement en minivan! =>#?> Un bus local existe?! Mais c’est formidable!
  • Pour Paxsan, il vous faut aller à Vientiane d’abord! (200km dans la direction opposée…) =>#?> La route directe qui est indiquée sur la carte existe donc bien.
  • Le minivan c’est 160’000 kips chacun, same same que le bus local! =>#?> Le bus local, c’est deux fois moins cher!
  • Oui oui, tous les jours à 8h! =>#?> 9h si tout va bien!
  • C’est un bus local qui part depuis la gare routière du sud! =>#?> Tout vrai! (Il commence à déconner cet engin…)
  • Mais la route est très mauvaise! =>#?> … Vous voulez vraiment y aller?!
  • Merci à tous! Trop bien notre =>#?>!!

Jusqu’au bout, coûte que coûte!
L’embarquement dans le fameux bus se fera finalement à 7h30, après une manœuvre incompréhensible de notre conducteur de tuk-tuk, partit à la rencontre du bus et non en direction de la gare ruotière… Peu importe, nous sommes à bord! Après quelques mois de voyage, on commence à comprendre un peu mieux le système. Dans n’importe quel bus local, vous avez certains personnages que vous retrouvez à chaque fois. Petite énumération de nos favoris :

Lui, c’est le chauffeur! Après Bouddha, c’est l’homme le plus important dans le véhicule. Celui-là sera héroïque, du début à la fin… Douze heures de conduite, avec trente minutes de pause à midi… On est très loin des normes européennes imposées aux chauffeurs professionnels! A l’occasion, il monte aussi sur le toit, siphonne des bidons d’essence avec sa bouche, bref il est multitâches! Il évite tous les pièges de la route, n’a peur de rien et a quand même le droit de s’en fumer une de temps en temps!

Ça, c’est la banque =>#?> … La dame à qui on paye son billet. La banque, … pardon … , la Dame, parle toujours beaucoup, descend souvent du bus, remonte dans le bus, redescend… Elle est toujours joyeuse et autoritaire et tient en permanence une énorme liasse de monnaie dans sa main. Elle sait toujours qui s’arrête à quel endroit et vous fera savoir quand vous devrez descendre de son bus… Parce que oui, après tout, c’est SON bus!

Elle, c’est la poussière! C’est le seul passager que vous n’aimeriez vraiment pas voir à bord. En la voyant, vous comprenez enfin pourquoi la moitié des gens portent un masque sur la bouche. La poussière de la route en terre s’invite partout, vous prend à la gorge et aux yeux. Elle recouvre toutes les marchandises sur le toit et n’a aucune pitié pour les gens qui marchent au bord de la route au passage du bus.

Le mec super balèze, mais qui n’en a pas l’air, c’est l’assistant du chauffeur. En une journée, il monte cent fois sur le toit et y hisse toutes les marchandises possibles et imaginables. Et s’il n’y plus de place sur le toit, il organise les sacs dans le couloir et qu’importe s’il faut gravir une montagne pour atteindre son siège. A lui seul, il est capable de porter une moto, ou des sacs que vous n’arriveriez même pas à faire bouger. Lui aussi se fera une journée de douze heures de travail sans broncher!

Elle, c’est la commerciale. Elle a une minute trente chrono à chaque arrêt pour faire son business…

« Ça c’est le colis de Madame Truc pour Monsieur Machin, tu lui donneras! T’as besoin de quelque chose?… » Le bus repart, quelques billets ont été échangés et la commerciale en a profité pour remonter à bord avec un sac de riz ou un poulet…

Lui, c’est votre ange gardien. Pour ce trajet, il se nommera Pa. Il parle bien anglais, il vous a vu monter dans le bus et profite de la petite pause de midi pour vous inviter à sa table. Il nous présente sa femme Bao et nous raconte un peu sa vie. Pa travail dans une boulangerie iranienne d’un quartier de San-Francisco, mais il rentre de temps en temps au Laos où il est né. Il a vu la Suisse dans un magazine, c’est un pays de paix ou les gens du monde se réunissent quand il y a des guerres, pour essayer de trouver des solutions – on aimerait tant lui donner raison. Il insistera pour vous payer le repas, vous refuserez, il insistera encore, vous le laisserez faire. En remontant dans le bus, il vous lancera très calmement un « Today I take care of you! » et le bus repart…

On peut encore citer les moines et leur immense toge jaune dans laquelle vous vous dites qu’on doit se sentir bien; la gamine qui se demande ce que vous faites là et qui finalement vous adoptera assez vite; la mère et son bébé que vous n’entendrez pas une seule fois pleurer du début à la fin du trajet; le mec malade qui vomit ses tripes à la fenêtre; la fille qui n’en finit pas de parler à son voisin qui lui, dort depuis un moment; il y a aussi tous ces gosses, le sourire jusqu’au oreilles, qui voient passer le bus, vous font des signes et vous envoient des grands SABAÏ-Diiiiiii (bonjour laotien)!

Nous avons failli oublier le personnage principal : LE BUS! C’est une carcasse vieille de quelques dizaines d’années, mais des comme lui, on en fait plus! Il passe partout, dans les rivières, sur des immenses tas de terre, sur des routes en travaux, il descend des pentes que vous auriez préféré faire en ski. Le Bus n’oublie personne, il y a toujours de la place à son bord, même quand il semble ne plus en avoir! Il se fatigue parfois et on peut comprendre qu’après onze heures de trajet il en ait marre et décide de n’accorder à son chauffeur que l’usage de sa première vitesse pour la dernière heure! Quoi qu’il en soit, il vous amènera à bon port, coûte que coûte! Parce qu’il en a vu d’autres et que demain, il recommencera…

Les bombes oubliées du Laos

Paisible Luang Prabang
Notre périple Laotien nous amène à Luang Pabang, après une boucle dans le nord du pays. Ville inscrite au Patrimoine Mondial de l’Humanité, Luang Prabang est surtout l’occasion de découvrir un lieu marqué par les années du « protectorat français ». Il en reste de magnifiques maisons de type colonial, de bonnes baguettes françaises pour le petit-déjeuner et des voitures de collections au détour d’une rue.
Nous découvrons également une ville en transformation. Le tourisme au Laos est en pleine explosion et les « guesthouses de luxe » et autres bars lounge, pullulent sur les rives du Mékong et sur le pourtour de l’île sur laquelle la ville est construite. Nous y passons quelques jours de repos et y fêtons Noël, au soleil!

UXO Lao, une action sans fin!
BOOOOOM! Voilà ce que nous avons entendu retentir dans toute la vallée de Muang Ngoi (nord du Laos) un après-midi. Un bruit effroyable qui nous a tout de suite mis la puce à l’oreille… Une bombe venait d’exploser, heureusement, celle-ci, était déclenchée par des membres de l’UXO Lao. Le Lao National Unexploded Ordanance Programme (UXO Lao) dont la mission, commencée en 1996, semble ne pas avoir de fin…
De quoi parle-t-on? Le Laos est malheureusement considéré comme le pays ayant été le plus massivement bombardé lors du siècle dernier. Deux millions de tonnes de bombes larguées sur tout le territoire, principalement pendant la guerre d’Indo-Chine (1964-1973). Le résultat aujourd’hui, outre l’indélébile cicatrice historique, est que 30% des 270 millions de bombes et bombes à sous-munitions larguées, n’ont pas explosé!

Quel impact de nos jours?
Elle sont multiples. D’abord, 300 personnes sont grièvement blessées ou tuées chaque année par des munitions non-explosées au Laos. Cela peut paraitre peu en rapport aux chiffres précédemment cités, mais la situation n’est pas prête de s’améliorer. Moins de 1% des bombes non-explosées, voilà ce que les équipes de l’UXO Lao ont réussi à nettoyer pour la période 1996-2010! Cela vous permet de mesurer l’ampleur et l’immensité de la tâche.
Mais il y a aussi un fort impact social, et celui-là est plus grave. En effet, le métal des bombes se vend désormais plutôt bien au marcher noir. Jusqu’à 200 US$ pour une grosse bombe, voilà ce que peut rapporter la vente de ces objets. Du coup, même les enfants sont tentés de rapporter à la maison certaines petites sous-munitions, trouvées dans la forêt, dans un champ ou même sur le chemin de l’école. Des campagnes de sensibilisation dans les villages sont organisées, mais cela ne suffit pas toujours à la tentation de toucher l’objet.
Les bombes non-explosées modifient aussi la vie au quotidien de nombreux habitants. Peur de travailler dans les champs, principalement dans les rizières. Difficulté à étendre les zones agricoles ou d’habitation. Sans oublier le désastreux impact écologique lié aux nombreux produits chimiques et toxiques encore contenus dans certaines carcasses métalliques vieillissantes! De plus, chaque année, la saison des pluies modifie un peu le terrain, laissant découvrir de nouveaux engins ou en déplaçant un certain nombre. Résultat: certaines régions déjà « décontaminées » voient réapparaitre quelques pièces oubliées.

Petit coup de gueule.
Le Laos est un pays magnifique, qui est entrain de vivre une importante mutation, en grande partie due au tourisme. Les Laotiens sont, pour la plupart, accueillants et sympathiques. La nature est en beaucoup d’endroit rayonnante. Le climat est propice à la détente et il est difficile de résister à la tentation de se poser tranquillement sur une belle terrasse, en buvant une bière ou un thé et en lisant un bouquin. Cependant, lors de notre visite de l’excellente exposition permanente de l’UXO Lao à Luang Prabang – de surcroît gratuite -, nous avons constaté un véritable abandon de la part des touristes. Moins de soixante visiteurs pour le mois de décembre de cette année, avouez que c’est peu! Nous sommes en haute saison touristique… On est en droit de se demander quelles sont les réelles intentions de certains backpackers, venus en masse et faisant l’apologie de « l’Eco-tourisme » au Laos. Faîtes nous donc plaisir, si vous passez à Luang Prabang, prenez une petite heure pour visiter ce centre et éventuellement faire un don ou acheter un T-shirt. Cela fera peut-être un peu avancer cette cause…

Pour en savoir plus
Si le sujet vous intéresse, nous vous proposons plusieurs liens, bien plus détaillés que notre article.

Site officiel du UXO Lao
Le très complet article wikipedia sur les Munitions non explosées

Après la frontière, la jungle

Dernier massage, derniers petits plats thaïs, dernière bière Chang ou Leo et de l’autre côté du Mekong, le Laos. Deux minutes de traversée en bateau, une demi-heure d’administration pour l’obtention d’un visa et nous voilà dans le pays duquel nous n’avons eu que de bons échos. En effet, nous n’avons jamais rencontré personne qui n’ait pas aimé son séjour dans ce pays.

Des singes, des oiseaux fabuleux et des serpents
Et bien non… nous n’avons rien vu de cela lors de notre mini trek dans la jungle. Hormis des moustiques et des insectes, nous n’avons croisé aucun animal, même si nous avons entendu quelques sons étranges. Certainement effrayés par les touristes qui s’y baladent trop régulièrement, nos amis les bêtes ont dû se déplacer en des espaces plus éloignés. Nous n’avons pas non plus rencontré Tarzan qui, pourtant, aurait pu se déplacer de liane en liane. Car des lianes, de la végétation et des arbres incroyablement énormes, il y en a! Nos guides, d’ailleurs, en font bon usage lorsqu’il s’agit de cuisiner. C’est dans un morceau de bambou géant qu’ils laissent mijoter la viande à laquelle ils ajoutent des fleurs de bananier récupérées en chemin. Puis c’est dans un autre morceau de bambou, soigneusement taillé qu’ils versent le met parfaitement assaisonné. La « table », quant à elle, est majestueusement dressée sur des feuilles de bananier. A l’aide de l’une d’elles, un de nos accompagnateurs construit de petites cuillères très appréciées pour boire un peu de soupe. Voir ces hommes faire un aussi bon usage de la nature qui les entourent, découvrir tout ce qu’ils savent sur les plantes qui les entourent nous impressionnent, nous qui avons perdu beaucoup des connaissances autrefois tant utilisées par nos aïeuls. Durant notre marche, notre guide nous désigne par exemple une plante qui aide à cicatriser, une seconde qui permet de faire monter le lait lors de l’allaitement, ou une autre que les jeunes hommes célibataires ne devraient pas toucher, sous peine de… nous n’avons pas tout compris, mais comme nous sommes mariés, aucun problème!

Les garçons et les filles, pas la même vie…
Lors de notre premier déplacement au Laos, ce qui nous frappe tous les deux, c’est l’apparente pauvreté des villages que nous traversons. Beaucoup d’enfants à moitié vêtus jouent au bord des routes qui sont de nettement moins bonne qualité qu’en Thaïlande. Désireux de rencontrer la population paysanne, nous enfourchons VTT puis moto (manuelle – que Fabrice maîtrise maintenant parfaitement!) et partons nous balader. Mais le contact avec la population n’est pas évident, même si quelques enfants nous adressent un Sabaidee (bonjour en lao). Nous nous sentons plutôt mal à l’aise et ne nous attardons alors jamais longtemps. Mais nous nous interrogeons beaucoup sur l’attitude des villageois et émettons plusieurs hypothèses: peut-être voient-ils tellement de touristes que nous leur sommes indifférents. Peut-être se sentent-ils épiés. Ou alors, peut-être ne voient-ils pas beaucoup de touristes et nous les effrayons. D’ailleurs, l’un de nos guides, un homme du village d’où nous partons pour le trek, a peur de nous accompagner, car il ne sait pas comment se comporter avec les étrangers (nous l’apprendrons plus tard par le chef du village). Enfin, si toutes ces suppositions ont certainement une part de vérité, il s’avère surtout qu’ils ne comprennent pas trop ce que l’on vient faire par là… Ils savent seulement que nous aimons nous promener dans la jungle et faire du kayak, ce qui occupe la plupart de nos journées dans les environs. Heureusement, accompagnés de notre guide, nous apprenons un peu mieux en quoi consiste la vie villageoise. En deux jours, nous nous arrêtons dans quatre villages de quelques centaines d’habitants chacun, où nous avons notamment l’occasion de visiter les écoles. Les enfants, dès l’âge de sept ans, y étudient le lao, les maths et l’environnement. Dès sept ans? Nous voyons pourtant que certains marmots sont bien plus jeunes… Eh bien ils ne font qu’accompagner leur grand frère ou grande soeur, ce qui permet aux parents de s’en décharger, eux qui doivent aller travailler aux champs. Tiens, d’ailleurs, l’un d’eux qui doit être âgé de trois ans s’en va: il passe la petite barrière et s’enfuit en courant. Nous le recroiserons plus loin, dans le village. L’enseignante elle-même, s’occupe de son dernier né tout en exerçant sa tâche. En ce moment, il est assis par terre, mais parfois, elle l’attache sur son dos. Habituellement, ce sont les petites filles qui s’occupent de leurs plus jeunes frères et soeurs pendant la journée, lorsque leurs parents partent travailler. Parfois âgées de quelques années seulement, elles sont comme de vraies petites mamans. Mais grâce à un programme alimentaire du WFP (World Food Program), les fillettes sont aussi envoyées à l’école: pour chaque fille scolarisée, sa famille reçoit vingt kilos de riz tous les trois mois, soit deux fois plus que pour un garçon. Cependant, une fois l’école terminée, les habitudes subsistent: alors que les garçons sont entièrement libres de leur temps, les filles s’amusent un peu, mais ne doivent pas oublier d’aller chercher de l’eau à la rivière, puis de préparer le repas. Cela explique donc pourquoi nous croisons surtout des garçons à bicyclette ou jouant dans la rivière.

Comme à l’époque
Aujourd’hui, chez nous, la vie de village n’est plus ce qu’elle était. On ne connaît pas toujours ses voisins et la vie ne semble même pas toujours là, tant les villages se sont vidés de leur poste, de leur mini magasin ou de leur restaurant. Au Laos, par contre, nous découvrons ce que devait être la vie campagnarde d’antan. Point besoin de la recréer pour une télé réalité… Ici, le forgeron, les tisseuses ou la femme qui lave les vêtements à la main sont des vérités! A la tombée de la nuit, l’effervescence est encore plus impressionnante. Les enfants jouent, courent, crient, rient, pleurent. Les animaux, chiens, poules et cochons, vont de partout. Les femmes cherchent de l’eau, préparent le riz ou rentrent de leur toilette qu’elles font dans la rivière, vêtues d’un sarong. Certains écoutent la radio et d’autres regardent la télévision (il y en a deux dans le village), mais ces activités sont toutes nouvelles puisque l’électricité n’est là que depuis huit mois. Dans la soirée, quelques habitants partagent une Jarre laotienne qui contient un alcool de riz sucré plutôt goûtu (LaoLao), dans laquelle nous avons la chance de tremper nos lèvres. La soirée est aussi pour nous l’occasion de rencontrer le chef du village dont le rôle est de prendre soin du patelin et des ses habitants. Gestion des conflits entre les différentes familles ou dans les couples, aide et conseil aux familles qui ont des problèmes financiers, c’est son affaire durant les trois ans du mandat pour lequel il a été élu. Lorsque nous lui offrons un petit présent pour les enfants du village, il nous remercie, nous souhaite une bonne suite de voyage, un bon retour chez nous où il espère que nous travaillerons dur afin de pouvoir revenir au Laos avec encore plus d’argent…