Petite incursion dans l’est de la Turquie.

Jusqu’à présent, nous avions suivi un chemin relativement classique dans ce pays. Du coup, arrivés en Cappadoce, nous sentons le besoin de tirer un peu plus à l’est, ce qui apparemment rebute plus d’un touriste… à tort !

Fini la fraîcheur des nuits de Cappadoce, nous arrivons à Sanliurfa après un long voyage en bus de nuit. Cette cité n’a, au premier abord, pas grand chose à offrir, et pourtant… Le temps semble s’écouler plus lentement dans cette ville qui émerge au milieu d’une immense zone désertique. D’ailleurs, la température pendant la journée nous rappelle bien le milieu où nous nous trouvons et les 35 à 40°C qui sévissent dehors ne nous laissent guère d’autre choix que de nous cacher. Vers 16h, nous sortons gentiment de notre chambre climatisée et en profitons pour nous promener dans les vieilles ruelles ou pour nous perdre dans le bazar. Un endroit pourtant nous attire particulièrement : le parc qui entoure la principale mosquée, enchanteur et extrêmement vivant. Les Turcs s’y promènent en famille, font un tour en barque sur un bassin, donnent à manger aux poissons, se rafraîchissent avec une glace ou boivent un thé ou un café. Il ne nous en faut pas plus pour leur emboiter le pas et nous restons parfois plusieurs heures à nous prélasser au bord de l’eau en buvant du thé sans limite.

Il est également intéressant d’observer les gens, dans cette région qui est plus profondément ancrée dans l’Islam que le reste de la Turquie. La majorité des femmes sont voilées et il n’est pas rare d’en croiser certaines qui portent un voile intégral. Quoi qu’il en soit, on ne peut également s’empêcher de remarquer qu’une bonne partie des jeunes femmes ne porte pas forcément le voile et n’a aucun complexe à s’habiller d’une manière « occidentale ».

Ce même constat, nous le ferons également à Van – au bout du lac du même nom et à quelques pas de l’Iran – et Erzurum. On nous avait aussi parler d’une certaine « ségrégation » dans les bus entre hommes et femmes… Si c’était le cas il y a quelques années, nous n’en avons rien vu… Est-ce là encore un cliché qu’il faut aller vérifier par soi-même pour le casser ?!

Nous attirons aussi beaucoup les regards et la curiosité. Les Turcs sont extrêmement chaleureux et nous nous faisons souvent accoster et échangeons quelques mots. La première question est systématiquement la même : Where are you from ?! Pour l’anecdote, les hommes sont presque tous des experts en foot… Vous venez de Suisse ?! Vous supportez qui ? Xamax, Young Boy, Sion ?!! Et ils n’oublient jamais de mentionner Hakan Yakin, Derdjok ou Inler.

En voiture, c’est aussi bien.
La location de notre Ford 1972 nous a redonné envie de nous déplacer en voiture. On en profite donc pour renouveler deux fois l’expérience et nous nous lançons sur les routes (pistes) turques. Depuis Sanliurfa, nous nous dirigeons vers le Mont Nemrut pour y voir de curieuses statues, qui ne nous laissent pas indifférents. A Van, c’est à la poursuite des flamants roses que nous allons. Après quelques heures de route, nous les apercevons enfin. Un immense groupe se prélasse au bord de l’eau. Nous nous rapprochons difficilement d’eux à pieds. Le sol est mou et il nous faut faire plusieurs détours pour arriver enfin à moins de 200 mètres d’eux. D’un coup, ils prennent peur et tout le groupe s’envole. L’instant est court mais nous laisse un souvenir indélébile.

Dernier train pour Istanbul.
Il est temps pour nous de retourner sur Istanbul, où nous allons encore passer une dernière semaine avant de rentrer en Suisse. S’offre alors à nous la possibilité de prendre le train depuis Erzurum. Nous n’hésitons pas une minute et nous embarquons à bord du Doğu Express. Nous avons pris les billets les plus chers (35 CHF par personne), ce qui n’est pas grand chose par rapport au confort que nous avons. Nous bénéficions d’une cabine privée, avec frigo, évier, électricité, etc… Le ronron du train et les paysages que nous traversons pendant près de trente-sept heures sont pour nous la plus belle des manières de terminer notre périple.

En Ford 1972, un vent de liberté a soufflé

Cheveux au vent, c’est en voiture décapotable que nous avons découvert la Cappadoce. Et pas n’importe laquelle – une Ford de 1972. Après pratiquement une année à nous laisser conduire, nous avons enfin repris le contrôle de la vitesse, des chemins empruntés et des arrêts ! C’est donc une incroyable sensation de liberté qui nous envahit. Ayant trois jours devant nous, nous dessinons rapidement le tracé de notre parcours dont le but principal est de nous rendre à un très grand lac salé qui se situe dans les environs d’Aksaray. Fab l’a repéré sur une carte, mais aucun livre de voyage ne le mentionne. Qu’importe ! Il attise d’autant plus notre intérêt. Car organiser ses visites selon les indications d’un guide est plutôt confortable, mais parfois, se laisser aller aux découvertes offertes au hasard du chemin est plus enchanteur. Bien sûr, en route, nous nous arrêtons tout de même pour quelques visites immanquables, comme celle de la ville souterraine de Derinkuyu où des Chrétiens s’étaient réfugiés aux 6ème – 7ème siècles lorsqu’ils s’étaient trouvés persécutés. Pouvant accueillir jusqu’à dix mille personnes, le souterrain atteint une profondeur de près de huitante-cinq mètres ! Nous avons aussi beaucoup de plaisir à nous promener dans la vallée d’Ihlara où durant une balade au bord d’un mignon cours d’eau, il est possible de visiter d’anciennes églises dont certaines peintures murales sont encore visibles. Mais là où nous nous sentons le plus libre du monde, c’est lorsque nous décidons de ne plus suivre les axes routiers principaux. Guidés par notre instinct et notre sens de l’orientation – à défaut de pouvoir nous fier aux cartes géographiques trop peu précises – nous changeons les vitesses sur de petites routes de campagne. Dès lors, nous croisons très peu de voitures, nous évitons les camions (dont certains chauffeurs sont fous à lier !) et prenons le temps de laisser passer les troupeaux de moutons. C’est décidément à la campagne que nous nous sentons le mieux. Et lorsqu’au crépuscule nous sentons qu’il est temps de nous préparer pour la nuit, nous plantons notre tente plus ou moins au milieu de nulle part.

Sniff, sniff… Les trois jours de grande liberté touchent à leur fin… Nous la garderions bien cette voiture rétro. Car même si elle n’a pas la direction assistée, qu’elle ne possède que quatre vitesses et que cinq minutes sont nécessaires pour boucler la ceinture du passage toujours coincée, elle dégage un charme indéniable qui nous séduit entièrement, et qui ne laisse pas les passants indifférents.

De très vieilles pierres et de l’eau turquoise

Nous étions très curieux de quitter Istanbul, où nous nous plaisions tant, pour découvrir le sud de la Turquie. Nous nous demandions si les autres régions seraient aussi développées et modernes. Et bien oui: la Turquie qui a connu une croissance fulgurante ces dernières années a toutes les caractéristiques d’un pays européen en bonne santé – enfin… s’il en reste. D’ailleurs, selon un article paru dans Rue89, elle serait le seul état « à satisfaire aux critères de Maastricht en termes de dette publique et de déficit budgétaire ». Bien sûr, l’amélioration du niveau de vie ne touche pas tout le monde. A côté des voitures neuves, qui sont majoritaires, il n’est donc pas rare de croiser encore pas de mal de véhicules anciens, auxquels nous trouvons un certain charme. Les bus longues distances, quant à eux, sont les plus confortables que nous ayons empruntés en une année: il y a de la place pour les jambes, aucun paquet sous les pieds, personne dans les couloirs, on vous sert même du thé, des boissons rafraîchissantes ou de la glace et comble du luxe, chaque siège possède son mini écran où une clé USB peut être insérée! Les dix heures de bus de nuit d’Istanbul à Ephèse passent donc comme une lettre à la poste.

De très vielles pierres
Même si nous sommes fascinés par la modernité de la Turquie et que nous redécouvrons ce qu’est la vie occidentale, notre intérêt se porte avant tout sur les très vielles pierres des sites archéologiques de toute beauté. Ephèse, Hiérapolis et Aphrodisias, d’antiques cités du monde grec, nous font découvrir ce que pouvait être la vie à cette époque. Certaines constructions ont bénéficié d’une conservation époustouflante, comme les maisons en terrasse d’Ephèse où l’on peut découvrir peintures murales et mosaïques. Impressionnants par leur taille, les théâtres ont une capacité de 7’000 à 22’000 places. Le stadium d’Aphrodisias, quant à lui, pouvait accueillir 30’000 personnes. Finalement, nos stades d’aujourd’hui ne sont pas tous si grands…

De l’eau turquoise
Nos visites culturelles, que nous effectuons toujours sous un soleil de plomb, sont complétées par des moments de détente rafraîchissants. Dans les environs d’Ephèse, nous nous laissons tenter par une journée dans un parc aquatique. Ben quoi, il n’y a pas d’âge pour s’amuser un peu! Allez, hop, en piste: à plat ventre, sur le dos, dans une bouée, à deux ou tout seul, dans le noir ou le soleil dans les yeux, nous multiplions les descentes. A Pamukkale, « château de coton » en turc, nous avons la chance de nous promener sur un site naturel des plus incroyables: des vasques en gradin recouvertes de calcaire et remplies d’une eau bleu clair. Pour le faire, il est obligatoire d’enlever ses chaussures. Nous ne savons pas trop à quoi nous attendre, mais cela semble glissant. En fait, nos pieds adhèrent extrêmement bien sur cette surface des plus surprenante, recouverte d’eau chaude. Sur le plan visuel, nous avons l’impression de nous promener sur un glacier, ce qui est plutôt étrange. Plus au sud, dans la région de Fethiye, nous découvrons une mer d’un bleu turquoise digne d’un rêve. Malheureusement, à Ödüleniz, la face très touristique du lieu nous empêche de vraiment en profiter. Nous nous déplaçons alors d’une quinzaine de kilomètres, vers Kabak. Là, nous plantons notre tente sur un carré d’herbe d’une pension très sympathique. Dans la petite crique en contre-bas, il n’y a pratiquement personne, l’eau est belle et les vagues assez importantes pour nous ballotter. Il est fou de constater que certaines plages sont prises d’assaut, alors que d’autres, éloignées de seulement quelques kilomètres, sont calmes et donc des plus agréables.

Dans cette région, nous étions censés débuter le Lycian way, un chemin pédestre long de quelque cinq cents kilomètres, raison pour laquelle nous nous étions d’ailleurs équipés d’une tente. Finalement, après quelques jours de réflexion, nous renonçons à l’aventure, quelque peu effrayés par la chaleur. Nous continuons donc à nous déplacer en bus. Et la seule fois où nous mettons nos chaussures (pas enfilées depuis deux semaines) pour une petite heure de marche afin de rejoindre la route du bus, quelqu’un propose de nous emmener en voiture. Un peu flemmards… nous acceptons.

Depuis deux semaines, nous avons donc le sentiment d’être en vacances, ce qui n’a pas toujours été le cas durant cette année de voyage… En Turquie, en tout cas, tout est facile: les bus vous emmènent partout et à tout moment, les hôtels sont de bonne qualité – les places de camping un peu moins, la nourriture est variée et excellente, les gens sympathiques, le soleil toujours là. Que demander de plus?! Ah, je sais: une plage de sable de dix-huit kilomètres? Nous l’avons trouvée à Patara, accompagnée de ses dunes, même pas encombrées de vacanciers surexcités et, pour couronner le tout, entourée de ruines antiques.

La Turquie pour finir en beauté

Après plus de dix mois passés à sillonner l’Asie, nous sommes sur le chemin du retour. Cependant, avant de remettre les pieds sur le sol helvétique, nous avons eu une envie subite d’Orient. Quelques courtes délibérations sur le choix de la destination, une escale de nuit à Dubaï, un bagage perdu et nous arrivons finalement à Istanbul. La Turquie nous ouvre ses bras et nous notre curiosité. Nous ne sommes plus si loin de chez nous et en même temps, nous ne sommes pas encore rentrés. La Turquie, c’est un peu les vacances avant la fin, mais les sept semaines dont nous disposons devraient nous permettre de faire un peu plus que du tourisme, des ruines et de la plage…

En mode rééducation
Avant de nous lancer dans la découverte de cet immense pays, nous passons nos premiers jours à redécouvrir certaines choses que nous avions un peu oubliées… Du pain, du vrai beurre au petit déjeuner, des produits frais, des prix affichés, boire un café sur une terrasse, la propreté d’une chambre d’hôtel, LE CALME! Car oui, le plus frappant pour nous, c’est le calme et la sérénité qui planent dans cette immense ville – si l’on exclu la conduite ahurissante du chauffeur (je veux dire pilote) de taxi à notre arrivée. Fini les klaxons incessants, la poussière, l’air saturé de pollution, les « Fresh Asian Smelt », ici nous nageons dans un univers propre et serein… et ça fait du bien!

Retour également à nos habitudes culinaires et à une cuisine méditerranéenne. Les Turcs mangent du très bon pain et cela nous avait réellement manqué. La cuisine, c’est le sujet favoris de tous les voyageurs. Pas une seule rencontre sans évoquer ou délirer sur les manques de la maison. Une Québécoise rêve d’une Poutine, un Suisse d’une bonne fondue, un Italien d’un bon plat de pâtes et un Français d’une baguette de pain frais. Ce ne sont que des clichés pensez-vous? Pourtant ils se sont tous vérifiés! Pour l’instant, la fondue doit encore attendre et nous faisons honneur à cette cuisine turc, qui n’a pas fini de nous livrer tous ses secrets.

Istanbul, la merveilleuse.
Que dire de cette ville, pleine d’histoire, qui s’étire entre deux continents, qui vous surprend part sa richesse culturelle et sa modernité, qui vit au rythme de l’eau et de son port, des siestes des chats, des appels à la prière, des pêcheurs le long des rives du Bosphore, de son vieux Bazar, de la majestueuse Sainte-Sophie et de ses innombrables terrasses où l’on déguste du si bon thé ou un café turc? Qu’elle est unique, c’est certain, qu’il fait bon y vivre et qu’elle nous a enthousiasmés dès le début. Nos premiers contacts avec les Turcs sont chaleureux et nous sommes surpris de pouvoir régulièrement parler français avec certains d’entre-eux, et pas que sur les sites touristiques. Le temps est printanier, l’air frais qui descend du nord n’est pas pour nous déplaire et il fait bon se promener dans un parc ou au bord de l’eau.

Le temps d’une escapade en bateau et nous voilà sur l’Ile aux Princes – il serait plus juste de parler d’îles au pluriel – où il semble que toute la jeunesse turque s’est donnée rendez-vous. Un tour à vélo, une glace, une promenade en calèche ou une séance de bronzage sur une plage privée, il n’y a guère de place pour autre chose que de la farniente. Pourtant, il y a surtout un patrimoine architectural unique et de nombreuses villas, de style victorien, qui ne manquent pas de charmes! Certaines rénovées, d’autres, dans un état de délabrement avancé. Un instant, on se prend à rêver de vivre dans l’une de ces somptueuses demeures aux façades blanches et aux jardins soignés. Il faut dire qu’il n’y a pas de voiture sur l’île et que de ce fait, il y règne une atmosphère tranquille et apaisante.
Retour à la ville, fin de notre semaine à Istanbul, direction le sud et l’est du pays. Il nous reste quelques aventures à vivre…