Sacré Tigre…

Première entorse au règlement.
Du Sichuan, nous continuons nos aventures chinoises en direction du sud, au Yunnan. Depuis Chengdu, nous souhaitons nous rendre à Lijiang assez rapidement. Problème : les routes qui y mènent sont dans un état catastrophique, notamment suite aux tremblements de terre de 2008. Un bus nous prendrait au bas mot 24 heures, enfin si nous avons la chance de ne pas rester bloqués dans les travaux… Nombreux sont les récits de voyageurs ayant été coincés 8 heures ou plus sur ces routes. Ajoutez à cela des bus qui vibrent de partout, l’énergie qui nous manque, nous abdiquons et décidons finalement de prendre un avion entre Chengdu et Lijiang. En plus de 3 mois, c’est notre seul trajet aérien alors que depuis le début de notre voyage, nous voulions tout faire ou du moins un maximum par le sol.

La fin des illusions…
Notre parcours en Chine est un peu particulier, dans le sens que nous y avons passé beaucoup plus de temps que la majorité des backpackers que nous croisons. Nos aventures en Mongolie-Intérieure ou dans le Shanxi nous ont permis de nous sentir relativement isolés et le Tibet rebute plus d’un voyageur à cause de son prix et des difficultés administratives qui vont avec. Depuis quelques semaines, nous avons rejoint le sud du pays, sa météo agréable et ses innombrables lieux touristiques. Bref, nous sommes dans le « main-stream » des backpackers et il est dur d’en sortir. Du coup, nous nous retrouvons naturellement sur l’axe incontournable et incontourné Guilin – Kunming – Dali – Lijiang, à la différence près que nous le faisons à contre-sens de la grande majorité.
A Lijang, justement, nous finissons de perdre nos illusions sur les tarifs des visites en Chine. 130 Yuan (~ 20 CHF) par personne pour pouvoir se promener au bord d’un lac… Non merci! La simple entrée dans la ville de Lijiang – ceci dit magnifique – coûte 80 Yuan, nous décidons de resquiller. On aime ce pays, mais les droits d’entrées des sites sont tellement onéreux, qu’ils ont réussi à nous passer l’envie des visites à la longue. Depuis, nous faisons une sélection stricte de ce que nous voulons vraiment voir.

Le Tigre rugit encore!
Lijiang, ses cafés, ses ruelles, ses canaux et une intoxication alimentaire plus tard, l’appel à la nature se fait sentir! Nous prenons donc un bus en direction de la gorge du Saut du Tigre. Une des plus belles balades de Chine à ce qu’il parait… Deux jours plus tard, les jambes fatiguées mais les yeux émerveillés, nous pouvons le confirmer! La gorge du Saut du Tigre est incontournable! La taille de la gorge est difficilement imaginable. Les montagnes, qui s’élèvent à plus de 5’200 mètres, plongent à pic dans une gorge située 3’500 mètres plus bas!
Nous ferons donc l’itinéraire conseillé en deux jours – accompagné de Tobbias, from Australia – et le site nous révélera quelques bonnes surprises… D’abord, il est entièrement gratuit depuis qu’un éboulement de terrain a coupé la route de la vallée. Ensuite, nous ne croiserons que très peu de monde sur notre chemin, ce qui n’est pas pour nous déplaire. Le sentier est magnifique, bien que relativement éprouvant, le temps clément et notre moral au plus haut. Notre chemin surplombe la vallée durant la majorité du parcours et l’on peut entendre les eaux de la rivière rugir en bas. Les sommets enneigés qui dominent en face nous donnent même un peu le sentiment d’être en Suisse.
La véritable difficulté du parcours constitue à descendre – et surtout à remonter (!) – jusqu’au Rocher du Saut du Tigre. Pour la petite histoire, la légende veut qu’un tigre ait échappé à un chasseur en s’aidant de ce rocher pour traverser la rivière. Après vérification, il semble que l’animal en question devait être un mutant! Au fond de la gorge, la puissance de l’eau est inouïe. Nous y restons quelques instants, fascinés par le spectacle.
Il est temps de remonter… Nous décidons de prendre l’itinéraire le plus court appelé « Sky Ladder », en français « l’échelle du ciel ». Celle-ci porte bien son nom: plus de 30 mètre de montées sur une échelle branlante et sans aucune sécurité! Vertige assuré et adrénaline au maximum! Le reste du chemin et presque taillé dans la roche et nous rappelle à nos souvenirs du Hua Shan… Sacré Tigre, lui au moins devait avoir les cuisses d’Usain Bolt!

Des pandas, des chevaux et des couleurs d’automne.

Des pandas.
A Chengdu (Sichuan), capitale des pandas, si l’on peut dire, nous n’avons pu nous empêcher de leur rendre une nouvelle visite. Accompagnés de Tamara et Mickaël, deux Lausannois, nous avons à nouveau eu beaucoup de chance. Le temps était ni pluvieux, ni froid, simplement brumeux, et les pandas étaient donc au meilleur de leur forme! Cette visite au parc nous a même offert une belle surprise: six bébés pandas étaient nés il n’y a pas si longtemps. Ils n’avaient pas encore grandi de 300%, eux… Visibles de derrière une vitre, nous n’avons pu les prendre en photo. Nous pouvons seulement vous dire qu’ils étaient vraiment petits et très mignons, d’autant plus lorsqu’ils buvaient au biberon.

Depuis Chengdu, nous avons consacré une journée à la visite du Bouddha géant de Leshan. Habituellement, cet endroit est bondé de visiteurs chinois, ce qui peut rendre la visite quelque peu ennuyante, mais nous n’avons pas rencontré ce problème et donc vraiment apprécié la vue de ce Bouddha si grand, ainsi que la balade dans le parc qui l’entoure. La végétation du Sichuan, plutôt tropicale, est bien différente de celle que nous avons rencontrée jusque là.

Des chevaux.
6h48… 6h48?! Oh M@%/&! Nous n’avons pas entendu l’alarme de nos montres… Cela fait une heure que nous devrions être levés! Eh oui, ne croyez pas que quand on voyage une année on se lève tous les jours après 10h… Fab me dit que cela fait un moment déjà qu’il rêve que nous sommes en retard. Je lui dit que la prochaine fois, au lieu de rêver, il pourrait se lever! Le pire est que nous avions rendez-vous avec Natasha, une Australienne, à 6h15 pour partager un taxi qui devait nous emmener à la gare de bus. Nous faisons donc nos sacs en cinq minutes, sautons dans nos vêtements et courons dans la rue pour tenter d’attraper un taxi. Nous tentons d’expliquer au chauffeur que le bus que nous souhaitons prendre est à 7h30, soit dans 25 minutes. Apparemment, il a compris ce qu’on lui a dit, puisqu’il a roulé vraiment vite, faisant même les feux aux voitures qui attendaient aux feux rouges. A 7h20, nous étions à la gare routière. Malheureusement, il n’y avait plus de billet ce jour-là pour Songpan, là où nous voulions nous rendre. Pas très étonnant en même temps… Nous avons donc dit le nom de cette destination assez fort, espérant que quelqu’un aurait peut-être une solution. C’est alors qu’une femme nous a entendus, nous a fait signe de ne pas bouger, est partie en courant, est revenue, toujours en courant, deux minutes plus tard nous demandant de la suivre. Elle nous a dit qu’un bus allait partir pour Songpan à 8h. Nous avons payé nos billets directement aux gens du véhicule – alors qu’il faut habituellement les prendre au guichet – et le prix juste en plus, et sommes finalement partis. Nous n’étions que huit dans ce grand bus affiché sur aucun horaire. Définitivement, je crois que nous ne comprendrons jamais tout au fonctionnement de la Chine… Parfois, tout y est tellement compliqué – d’autres fois, tout est possible! Nous avons atteint Songpan, à dix heures de bus au nord de Chengdu, après avoir traversé des régions encore détruites suite au tremblement de terre de 2008 – impressionnant! De là, nous sommes partis pour un trek à cheval de trois jours, accompagnés de Natasha que nous avons retrouvée. Nos guides, dont l’un deux balbutiait quelques mots d’anglais, nous ont salués, puis désignés un cheval sur lequel nous devions monter. Et c’était parti! Aucune explication ou consigne de sécurité… Heureusement que nous étions déjà montés sur un cheval, même si cela faisait plusieurs années. Durant trois jours, nous avons traversé des paysages époustouflants: deux ou trois petits villages de style tibétain, des forêts aux couleurs automnales et des plaines où coulaient de jolis ruisseaux ou des rivières. Parfois, nous étions accompagnés par un troupeau de yaks, par quelques cochons noirs ou par un vol d’oiseaux – jamais par d’autres touristes, ce qui est extrêmement rare en Chine. Sur nos montures (Power pour Fabrice qui était toujours devant et FarterPéteur pour moi), nous avons franchi trois cols. Au plat et à la montée, nous étions sur les chevaux qui grimpaient d’une manière inimaginable. Enfin… SUR les chevaux, oui, excepté lorsque le mien s’est encoublé… Heureusement que je ne suis pas tombée dans la rivière ou sur une pierre… Car ne rêvez pas, nous n’avions pas de bombe sur la tête… Dans les descentes, nous devions marcher. Avant de partir pour ce trek, nous nous inquiétions de savoir si nous ferions assez de cheval et pas trop de marche. Au final, à chaque fois que nous devions marcher, nous étions plutôt contents. Cela détendait nos genoux qui étaient vraiment douloureux et nous réchauffait. Nous avions mis toutes nos couches (dont Odlo et Icebreaker, gants et bonnets), mais avons quand même eu bien froid! Une nuit, d’ailleurs, notre tente a gelé. De marque Camthlon, c’était vraiment de la camelote… Comme il a plu quelques heures, de l’eau a transpercé. Malgré une couverture en laine de yak, il faisait vraiment humide et froid. Heureusement, nos guides avaient fait un énorme feu sous la tente principale, réalisée à l’aide d’une simple bâche. C’est là que nous nous tenions pendant qu’ils préparaient les repas. Peut-être sommes-nous bien tombés, mais nos guides cuisinaient aussi bien qu’ils montaient à cheval. La nourriture était simple, mais tellement bonne! Nous avons même apprécié les choux ou les pommes de terre – carottes au petit déjeuner 😉

Des couleurs d’automne
Toujours preneurs de nature, nous avons ensuite pris le temps de visiter la réserve naturelle de Jiuzhaigou, à un peu plus de deux heures en bus de Songpan. Le prix d’entrée est exorbitant (environ 45 CHF par personne), mais nous n’aurions pu manquer ce parc de toute beauté. Après avoir emprunté le bus jusqu’à un premier lac d’une couleur irréelle et avoir marché quinze minutes entourés de centaines de Chinois, nous avons repris le bus dans l’autre sens pour nous rendre dans la vallée parallèle. Là, durant quelque cinq heures de marche, nous n’avons rencontré pratiquement personne puisque, nous commençons à le comprendre, les Chinois ne sortent pas des grands axes. Durant cette promenade partagée avec Tobias, un Allemand arrivant à la fin de son année de voyage qui parlait extrêmement bien français, nous n’avons cessé de nous extasier. Lacs transparents de couleur turquoise, rivières, chutes, tout était magnifique, d’autant plus avec les couleurs d’automne environnantes.

15 jours au Tibet.

Il y a des destinations particulières dans un voyage. Avant de partir, nous étions hésitants sur le fait d’aller au Tibet. Après 15 jours passés sur le toit du monde, nous revenons avec les rétines marquées pour le reste de notre vie. Le Tibet est magique! On devrait s’arrêter là, mais nous allons essayer de vous transmettre quelques-uns de nos sentiments.

Le Tibet, c’est haut!

Pour comprendre comment se passe un voyage sur le toit du monde, il faut d’abord connaître un peu sa géographie. Lhassa, la capitale, se situe à plus de 3’600 mètres d’altitude. Pour y arriver, trois possibilités: l’avion, le train ou la route. Nous avons opté pour la seconde qui a l’avantage de nous faire découvrir les hauts plateaux tibétains et de nous acclimater gentiment à l’altitude. Concrètement, le train reliant Beijing à Lhassa – nous ne le prenons que depuis Xining – est le plus haut du monde et nous avons passé une bonne partie du trajet à plus de 5’000 mètres!
Ensuite, la situation politique est telle qu’il est quasiment impossible de s’y rendre ou de s’y déplacer par ses propres moyens. Il nous a donc fallu passer par une agence qui nous a fourni un permis, un chauffeur et un guide. Pour ce voyage, afin de diminuer un peu les frais, nous avons été joints par Obasan et Pierre (une Japonaise et un Français). Pour en savoir plus sur leur voyage, rendez-vous sur http://thetravelsofobasan.blogspot.com/.

Lhassa, ville à part.

Ce qui frappe tout de suite en arrivant, c’est l’étrange atmosphère qui règne dans cette ville. Mélange de spiritualité, d’authenticité et de tension. Les pèlerins suivent religieusement le kora (circuit de pèlerinage autour d’un temple) autour du Temple du Jokhang (haut lieu du Bouddhisme) sous les yeux de centaines de militaires qui sont postés à tous les coins de rue et sur les toits de la ville. Les ruelles sont enfumées par l’encens que brûlent les gens dans des sortes de fours blancs. Des carcasses de yaks s’étalent sur les marchés à côté de minis magasins de souvenirs. Dans le flot de pèlerins, certains se prosternent tous les deux mètres au milieu de la foule. On voit des Tibétains venus en pèlerinage dans cette ville sainte depuis de lointaines contrées – on les reconnait à leurs coiffures et habits particuliers. Des moines partout, mais jamais en groupe. Et sur les toits, des militaires… Et dans les rues, des caméras…

Le Tibet, côté pile.

Ici la nature est reine. Le lac Nam-Tso, par exemple, est probablement l’une des plus belles choses que nous ayons vue. Les couleurs changent à chaque instant selon l’ensoleillement. L’eau est parfois turquoise, puis verte ou bleu profond. D’immenses prairies le bordent puis, dans le fond, des sommets enneigés et aucun arbre à l’horizon. Le vent balaye fortement cette zone et fait s’envoler d’innombrables drapeaux de prières, à tel point qu’ils forment comme un abri au-dessus de nos têtes. Il fait froid et la neige s’invite même sur notre route, nous rappelant que nous sommes fin septembre et que l’hiver pointe le bout de son nez.

Partout sur notre chemin, des troupeaux de yaks ou de moutons pâturent avec leurs bergers. Dans les vallées, il est l’heure des moissons et dans les champs, les gens travaillent à la récolte. Certains de manière moderne, d’autres à la main avec des chevaux ou des yaks à la place des tracteurs.

Après un trajet sur une route chaotique, nous passons un col à plus de 4’500 mètres (encore un!) et là le Qomolangma – pardon l’Everest – se dresse devant nous pour les dernières minutes de la journée. Instant magique, nous voilà devant la fameuse Face Nord! Trois jours suivront sans un seul nuage dans le ciel, ce qui est rarissime, apparemment. Des voyageurs nous ont dit ne jamais l’avoir vu en entier durant la totalité de leur séjour. On pensait avoir grillé nos cartouches de chance avec les Pandas, mais non!

Nous poursuivons notre route en direction de la frontière népalaise. Les hauts plateaux tibétains ont une étrange ressemblance avec ceux du Haut Atlas marocain. La Route de l’Amitié, nous menant à la douane népalaise, nous fait descendre de quelques 2’500 mètres en une journée! Au fur et à mesure de la descente, une végétation tropicale fait son apparition. Au bout de la route, la ville de Zhangmu s’étale le long de l’unique et étroite voie d’accès reliant les deux pays. Nous accompagnons Pierre à la frontière, le Népal de l’autre côté du pont nous tend les bras, mais nous devons repartir… Notre visa chinois n’expire que dans deux mois et il nous reste beaucoup à voir. Le Népal, ce sera pour une autre fois.

Le Tibet côté face.

L’extrême beauté des paysages ne nous laisse tout de même pas indifférents face à la situation des Tibétains. On ne va pas vous faire ici un cours d’histoire, mais simplement tenter de relater ce que nous avons saisi de la situation actuelle. Dans quel état d’esprit se trouve la population tibétaine? Elle qui ne peut pas circuler librement sur son territoire, qui est surveillée et contrôlée en permanence. Elle qui voit, à chaque coin de rue, les visages de ses « libérateurs« . Nous avons pu, à plusieurs reprises, discuter avec des habitants. Si leur religion leur permet souvent de relativiser leur situation, leurs sentiments sont clairs et ne nécessitent généralement que peu de mots pour être compris. Il y a une véritable peur de ce qui peut être dit, ou plutôt entendu et lorsque parfois quelques mots sont prononcés, le passage d’un inconnu interrompt directement la conversation. Dans ce cas, nous ne forçons pas la discussion qui pourrait avoir de fâcheuses conséquences pour notre interlocuteur.

Nous avons beaucoup d’exemples du genre et nous devons, nous aussi, nous méfier des choses qui nous entourent ici… Le Tibet est probablement l’une des plus belles régions du monde, mais nous ne pouvons pas rester indifférents à la vie que mènent ses habitants. L’accoutumance à cette réalité est souvent une façade. Le sentiment prédominant de la population étant le fatalisme, nous ne pouvons qu’espérer que la situation puisse évoluer dans le bon sens pour les Tibétains. Après tout, un texte ne dit-il pas que chaque être humain naît libre et égaux en droits?!