Suku, artiste-peintre – Népal

Suku Gurung

Deux billes noires, un sourire jusqu’aux oreilles, une grande générosité et une voix qui vous inspire tout de suite le calme et la sérénité, le tout dans moins d’un mètre soixante. On pourrait résumer Suku ainsi, mais ça serait aller un peu vite.

Avant d’être népalais, il est avant tout gurung. Suku a grandi dans les montagnes, son village est à au moins deux jours de Katmandou et une partie de sa famille y vit encore. Il est descendu à la ville jeune et a eu un parcours un peu spécial. Son adolescence, il la passe en grande partie auprès d’un Lama dans un monastère, qui va lui enseigner l’art de la peinture, des mandalas et le bouddhisme. Après quelques années d’apprentissage, Suku a besoin de plus, il a envie d’aller à l’école. Il quitte donc son maître et commence une vie difficile. Il travaille la journée dans un hôtel (à l’époque, il gagne environ 800 roupies par mois, soit 12 CHF) et la nuit il étudie ses cours. Le rythme est infernal et il se décide quelques temps plus tard à reprendre la peinture des mandalas et fait également guide pour les touristes (avec qui il apprendra le français).

Aujourd’hui, à 31 ans, Suku vit de son art, mais ce n’est pas toujours évident. Les mandalas qu’il peint sont d’une extrême précision et doivent respecter un nombre incroyable de règles, mais il a bénéficié d’un apprentissage de premier ordre dans le domaine. Du coup, pas question pour lui de faire de concession sur la qualité de son travail, ce qui n’est pas le cas de tous les peintres de mandalas. Au début, il vendait ses œuvres dans les magasins de Thamel (quartier touristique de Katmandou), mais les marges des revendeurs étaient trop élevées et il ne s’en sortait pas. Aujourd’hui, il vend directement ses toiles à des étrangers et a déjà fait quelques expositions en France et en Corée du Sud, c’est beaucoup plus rentable pour lui. Il faut dire que la production d’une seule peinture lui prend environ deux semaines! Le procédé est long et complexe. Il fabrique lui même la toile sur laquelle il peint, car il est impossible de trouver de la bonne qualité sur le marché. Pour ça, il utilise de la peau de taureau, de la poudre blanche, de l’eau, un cailloux et beaucoup d’huile de coude pour arriver à un rectangle de tissu d’un blanc immaculé, digne de recevoir les futurs coups de pinceau. Puis vient une longue étape, où il dessine au crayon tous les motifs. Viennent ensuite les premières couches de couleurs, puis les détails plus fins. La dernière étape, consiste à appliquer de l’or (ou d’argent) sur la toile. Le métal précieux, c’est le Lama lui-même qui le lui fournit, car la préparation est spéciale et, là encore, respecte certains codes.

Le résultat est assez stupéfiant et d’une précision incroyable. Il y a plusieurs courants dans la peinture bouddhiste, mais Suku excelle dans celle dîtes du « Newar » – il ne se limite cependant pas uniquement aux mandalas et fait aussi des aquarelles.

Au-delà du peintre, Suku est également un chef de famille bienveillant. Difficile de décrire le nombre exacte de sœurs, frères, cousins, neveux et nièces qui vivent et gravitent autour du logement familial. Ce qui est sûr, c’est que la scolarisation des plus jeunes est pour lui une priorité, mais l’école coûte chère! Son frère Mani, guide de mon montagne, apprend en ce moment le français à l’Alliance Française de Katmandou, cela a également un coût et il ne suit les cours que quand il y a assez d’argent. Toutefois, Suku est content de pouvoir héberger tout le monde, personne ne manque de nourriture et ils ont enfin un appartement avec l’eau courante (quasiment un luxe dans une ville qui connaît de terribles problèmes d’eau et d’électricité). Dans le futur, il souhaite pouvoir refaire des expositions de son art en Europe. Mais les visas sont difficiles à obtenir pour les Népalais et les démarches administratives sont longues et leur issue incertaine. Il faut dire que le vieux continent est de nature méfiante, ce qui ne semble pas être le cas de Dubaï, qui accueille elle à bras ouverts, les nombreux Népalais qui se font exploiter sur les chantiers du Moyen-Orient… Mais ça, c’est une autre histoire…

Si vous le souhaitez, vous pouvez voir une partie de ses travaux sur son site internet : http://sukugurung.carbonmade.com

2 réponses sur “Suku, artiste-peintre – Népal”

  1. Bonjour les voyageurs !
    C’est beau et très inspirant ces mandalas et l’artiste dégage une sérénité incroyable…à en prendre de la graine !
    Profitez un max de toutes ces rencontres, tout cela va vous enrichir pour la vie !
    On pense bien à vous et on se réjouit déjà de vous retrouver !
    D’ici là, on continue à lire vos aventures et admirer toutes vos magnifiques photos avec le plus grand plaisir.
    Plein de gros bisous !
    Les 4 Chansons d’Eclépens :))

  2. J adore ce genre d’ article où vous vous intéressez à une personne,c est très enrichissant et depuis mon ordi j ai l impression de connaitre ce monsieur!!
    Merci beaucoup de ce que vous nous apportez tout au long de votre voyage!!
    Énormes bisous de l’ ICN

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