Birmanie, entre extrême beauté et tristesse

Après un peu plus de six mois de voyage, nous arrivons enfin en Birmanie ou Myanmar, ainsi renommé en 1989 par la junte au pouvoir. Ce pays, nous avons rêver d’y mettre les pieds. Les gens les plus adorables du monde, des paysages irréels tapissés de milliers de pagodes et de levers de soleil comme nul part ailleurs nous avait-on dit… Pour tout cela, on ne nous avait pas menti! Cependant, à toute cette beauté, il faut ajouter la face obscure du pays: la répression constante de tout un peuple (50 millions d’habitants), l’impossibilité d’accéder à une grande partie du territoire, les incessantes coupures d’électricité, l’absurde système monétaire, etc… Sans compter toutes les choses que l’on devine, mais que l’on ne voit pas vraiment.

Premiers pas à Yangon.
Dès notre arrivée, un constat s’impose : nous ne sommes plus vraiment en Asie du sud-est et pas encore en Inde. Nous sommes en fait à mi-chemin entre ces différentes cultures. Il y a également une pauvreté beaucoup plus visible et présente, nous sommes très souvent approchés par des mendiants ou de très jeunes enfants aux habits en lambeaux. La ville est également en piteux état! Nombre de magnifiques bâtiments de style colonial tiennent à peine debout et sont pourtant habités. Et que dire du parc automobile?!! Les amateurs de vieilles voitures ne cesseront de s’extasier devant des modèles des années 1950. Normal, impossible d’acheter une voiture neuve dans le pays! Il y a un air de retour dans le temps qui, dès nos premiers pas, nous a captivés et ne nous a pas laissés indifférents…

Yangon n’offre finalement pas beaucoup d’activités touristiques, mais deux vont réellement nous séduire. La première : un tain qui fait une boucle de plus de trois heures autour de la ville. Sorte de RER local, avec des wagons dignes d’un western, sans porte ni fenêtre et une activité humaine qui l’entoure totalement indescriptible. Et puis, bien sûr, nous visitons la pagode Shwedagon, considérée à juste titre comme la plus belle et la plus imposante du monde. Une gigantesque « cloche » flanquée de centaines de kilos d’or, visible à des kilomètres à la ronde. Une atmosphère à la fois religieuse et sereine se dégage dès que l’on pénètre sur le site qui entoure le monument. En fin de journée, les derniers rayons de soleil se reflètent dans la masse dorée, les nombreux pèlerins entrent en méditation avec l’arrivée de la nuit, la pagode s’éclaire, instants uniques, instants magiques dans notre vie de voyageurs.

Qui a éteint la lumière?
Rapidement, nous constatons un phénomène un peu particulier dans tous le pays: les Birmans ont appris à vivre avec un réseau électrique complétement obsolète. En une journée, on compte facilement cinq à dix coupures de courant! Les plus chanceux ont des génératrices qui s’enclenchent plus ou moins automatiquement. Il n’est pas rare de voir une ville complète plongée dans le noir en une seconde. D’où viennent ces coupures? De la vétusté des installations? Certes, mais on ose imaginer que la gestion du courant est également politique. Une des nombreuses et infâmes manières qu’a le gouvernement pour montrer sa toute puissance? En tout cas, nous nous autorisons à le supposer.

Argent, mode d’emploi.
La monnaie officielle à l’intérieur du pays est le Kyate, mais le US$ est largement utilisé pour payer bus, hôtels ou droits d’entrées des sites touristiques. Pour voyager en Birmanie, vous avez besoin de prendre tous l’argent dont vous aurez besoin avant votre départ. La raison est simple: aucun distributeur n’est disponible dans le pays! Nous arrivons donc avec une somme importante de US$ et nous allons vite comprendre l’absurdité totale de la gestion des devises… Pour obtenir des Kyates, il n’y a que le marché noir à disposition. Il nous faut donc trouver un vendeur de confiance (les arnaques sont fréquentes) qui vous échange des dollars américains contre des milliers de Kyates. Commence alors l’inspection de nos billets à la loupe: les coupures doivent être absolument parfaites, aucun défaut n’est toléré! Un beau billet de 100 US$ neuf vaut plus que deux billets de 50 US$, qui eux-même valent plus que 5 de 20 US$!!! Vous avez bien compris, en Birmanie, la valeur de l’argent dépend de la qualité de l’impression et du papier et non de la valeur financière! Une fois le système appréhendé, chaque paiement en US$ est une véritable bagarre pour faire accepter nos billets. Chose étrange : si les Birmans sont des « horlogers du US$ », leur monnaie locale bénéficie du traitement opposé… Les Kyates sont déchirés, scotchés, à peine lisibles, certains à la limite de la décomposition!

Un sourire inusable.
Du nord au sud, le même sourire nous accueille. Les Birmans sont chaleureux, souriants, zen! Même les rabatteurs, à quelques exceptions près, en viennent à être sympathiques! Il n’y a jamais d’agressivité dans ce pays qui transpire le bouddhisme de partout. Mais ce sourire, jamais forcé, cache parfois une réalité que nous ne parvenons pas vraiment à capter. Nous visitons l’un des pays dirigé par l’une des dictatures les plus sévères au monde et pourtant, les Birmans n’en montrent pas une bribe. A croire que leur manière de lutter contre les autorités est de garder, coûte de coûte, la tête haute.

Bagan, merveille du monde.
Après un petit séjour dans le nord et à Mandalay, nous prenons un bateau local direction Bagan. Durant près de 15 heures, nous descendons le fleuve Ayeyarwady à bord d’un navire de deux étages, sorti d’une autre époque. A son bord, beaucoup de marchandises, des locaux et quelques touristes. Chaque arrêt sur les rives donne lieu à un spectacle unique. Chargement et déchargement à un rythme effréné, vente de toute sorte de nourriture: une frénésie s’empare des gens jusqu’au coup de sirène qui sonne le départ. Un voyage envoutant qui nous laissera un souvenir indélébile.

Bagan, c’est avant tout des paysages irréels où des milliers de temples et pagodes semblent avoir poussés à l’infini, comme des champignons. Chaque édifice est différent et nous sommes surpris de la variété de Bouddhas, peintures et architectures lors de nos visites. Mais le moment le plus fort est celui du lever du soleil. Seuls au sommet de l’une des plus grandes pagodes, nous admirons cette boule rouge sortir de l’horizon. Les temples sont alors baignés dans la douce lumière de l’aube, quelques oiseaux s’envolent dans le contre-jour, la brume flotte au-dessus de la plaine et finit d’achever un tableau qu’aucun peintre ne serait en mesure d’imaginer.

La Birmanie appartient à ceux qui se lèvent tôt!
Pour ce voyage de 28 jours, nous avons été rejoints par Tamara et Mickaël, que nous avions rencontrés en Chine quatre mois plus tôt. L’idée était de louer ensemble une voiture, afin de pouvoir sortir un peu du chemin tracé à notre égard par le gouvernement. Mais vous connaissez maintenant notre amour pour les transports locaux et , finalement, trains, bus et bateaux l’ont emportés sur la location d’un véhicule personnel. Grand bien nous en a fait! Cependant, en Birmanie, pour voyager il faut aimer se lever tôt… Pour une raison qui nous échappe un peu, les transports en commun partent entre 4h30 et 6h du matin! Les trajets sont longs, les nuits courtes et il faut bien avouer que nous n’avons pas eu le loisir de se reposer durant cet intense mois. Pour ne rien arranger, la saison est chaude, très chaude même! 35°C voire plus et un taux d’humidité élevé nous empêchent souvent de voir plus loin que la prochaine bière fraîche – ou le prochain CoffeeMix… (private joke).

Ils font quoi tous ces gens?
Un phénomène bizarre peut être observé un peu partout en Birmanie : les gens font la queue par centaines et à toute heure de la journée dans la rue. Alors qu’attendent tous ces gens, sous un soleil de plomb avec leur scooter? Un concert, l’ouverture d’un bureau de Poste?! Non, ils attendent simplement de pouvoir faire le plein d’essence! Car depuis 2007, le gouvernement a aligné le prix de celui-ci sur le marché international et se garde l’exclusivité de sa distribution. Résultat, 66% d’augmentation du prix du précieux liquide et des millions de gens touchés dans leur quotidien, du jour au lendemain. Certes, si vous ne ne voulez pas faire la file, il vous reste l’option du marcher noir, mais c’est beaucoup plus cher et surtout, ce n’est pas abordable pour l’immense majorité des Birmans.

Du Lac Inle au Rocher d’Or.
Le Lac Inle, cette immense étendue d’eau est non seulement très belle, mais elle offre également l’occasion de voir de nombreuses coutumes et ethnies différentes. Lors d’une excursion en pirogue, nous avons la chance de voir des jardins flottants, des villages sur pilotis, de la distillation locale d’alcool de riz, des buffles vivants entre terre et eau et différentes manières de pêcher. Il y a aussi cette unique et très étrange façon de pagayer… La rame entourée par la jambe et tenue à l’extrémité avec la main, les pêcheurs avancent debout sur leur barque, en équilibre, dans un mouvement qui s’assimile presque à une danse.

Notre périple se poursuit au Rocher d’Or qui nous permet de pénétrer au cœur du bouddhisme. Les touristes y sont rares, surtout parce que le lieu n’est pas facile d’accès et les infrastructures d’accueil quasiment inexistantes. Le Rocher se mérite… Près de 24 heures de trajets, non-stop, nous sont nécessaire pour rallier celui-ci depuis le Lac Inle. Nous arrivons au bout de notre long périple sur la montagne où est situé ce Rocher couvert et peint de métal doré. Haut lieu du bouddhisme, de nombreux pèlerins s’y pressent et y montent soit à pieds, soit par camion – soixante personnes entassés dans la benne arrière des véhicules, à une vitesse folle et sur une route escarpée. Le Silver Star d’Europapark n’a qu’à bien se tenir 😉

Notre dernière étape nous amène à Malawyne, ville décrite comme la quintessence des villes tropicales. Effectivement, l’atmosphère y est presque irrespirable à cause de la chaleur et de l’humidité. Quelques vieux bâtiments de style colonial, beaucoup de palmiers, le plus grand Bouddha couché du monde (l’œil fait 7 mètres de haut et le corps plus de 200 mètres de long) et d’innombrables bus en bois Chevrolet, certainement âgé de plus de 50 ans, composent le tableau de cette citée. Nous profitons de cette ambiance pour nous reposer et nous détendre un peu avant de reprendre l’avion direction la Thaïlande.

Gardons espoir!
Ce voyage en Birmanie a été à la fois magique et emprunt de questions, tant il nous a été difficile de nous rendre compte de la réalité des choses. Et c’est peut-être ça le pire, un peuple résigné, qui vit dans la peur d’un gouvernement – qui se soucie plus de ses avantages et de son image – que de la misère de ses citoyens. On se demande aujourd’hui quel avenir peuvent entrevoir les Birmans?! Ce pays qui vit en quasi autarcie et à un autre temps peut-il vraiment sortir de cette tragédie? A l’heure du réveil et des révolutions pour la démocratie des peuples arabes, on ne peut que souhaiter la même détermination aux Birmans. Mais les choses ne sont pas si simple, l’armée est puissante et le régime bien en place. Peut-être que la communauté internationale devra un jour avoir le courage de tendre la main à la Birmanie et l’aider à faire sa révolution… Après tout, ne rien faire ne consiste-t-il pas à fermer les yeux sur la situation de 50 millions de gens et de remettre tous les espoirs de leur liberté sur les seules épaules de Aug San Suki?!

7 réponses sur “Birmanie, entre extrême beauté et tristesse”

  1. Coucou les aventuriers!!!

    Merci pour les nouvelles, c’est super de lire tous ces détails sur la Birmanie!! J’espère que vous profitez bien de vous reposer un peu en Thailande!!

    A tout bientôt sur skype!!!

    Gros Bec,
    Céline

  2. Je ne peux que dire merci devant tant d’intérêt et de beauté. J’ai patienté un bon bout de temps pour lire la suite. Je me suis presque demandé ce qui se passait! Eh bien cela valait la peine d’attendre, votre voyage continue d’être passionnant et les photos on en parle même plus tellement elles sont belles! Bref vive votre périple, le lever de soleil, les aventures, les couleurs, les pagodes, les trains, les transports, tout est réuni pour retenir l’intérêt du lecteur. Vivement le prochain reportage!
    A bientôt bizz du printemps genevois.
    Joëlle

  3. Ouahhhh c’est absolument génial de vous lire!! On vient de se faire la lecture de votre périple ainsi que toutes les photos… Je dois dire que je suis vraiment très impressioné par la qualité de votre blog (photos, écriture). On est vraiment captivé…
    Moi je dis vous avez du potentiel chez le routard!! 😉

    Enfin, je vous souhaite tout de bon pour la suite! On pense fort à vous souvent!

    A tout plus
    Grég

  4. Magnifique article!
    On a eu beaucoup de plaisir à vous lire et à se replonger dans nos souvenirs partagés.
    Nous aurons une pensée toute particulière pour vous, demain matin au petit déj ;-))
    Bise du Cambodge
    Mickaël & Tamara

  5. Magnifique!
    Et bravo pour les beaux textes… On voit que vous êtes curieux de découvrir la vie des gens! 🙂
    J’espère que vous allez bien!

    Gros becs Mag

  6. Coucou Sophie et Fabrice !
    Un grand MERCI pour votre message de l’autre jour sur le répondeur, c’était super sympa. A la fin du mois de février nous étions presque un peu inquiets de ne plus avoir de nouvelles de nos aventuriers. Votre message était un soulagement et nous sommes ravis que votre voyage se passe toujours aussi bien. La qualité de votre blog est très pro, les textes sont toujours aussi captivants et les photos tous simplement magnifiques. C’est passionant de vous lire et cela nous permets de rêver un peu ! BRAVO les Faso ! Chez nous tout va bien, le printemps s’installe tranquillement et c’est bientôt la saison des festivals. Début mai 2011 nous partirons pour quelques jours à Barcelone et nous nous réjouissons. Ici tout va bien, nos deux chats sont en forme et nous aussi. Nous vous embrassons bien fort et à bientôt ! Nous pensons à vous….GUYOYO

  7. Hey!
    J’ai retrouvé la petite carte que tu m’avais donné à Anakot Café au Laos! 😉
    Ca fait longtemps… mais quel plaisir de pouvoir s’évader un petit moment de la routine neuchâteloise en se plongeant dans vos aventures…!
    Vos photos de Birmanie sont vraiment exceptionnelles et me rappellent l’immense coup de coeur que j’ai eu pour le pays!
    Profitez bien de votre voyage, plus on se rapproche de la fin, plus le temps passe vite!
    Ariane d(^_^)b

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