Émouvant Cambodge

1$ pour le tampon qui atteste notre sortie du Laos. Du côté cambodgien, 1$ pour une visite médicale expresse: prise de température, cinq secondes chrono. Fab a 36° de température, moi 37,1°. Tout est en ordre nous dit le « docteur » dans un français sans faute. Merci, nous voilà rassurés! Restons calmes, restons calmes… 23$ pour le visa, là, d’accord, on paie volontiers. Oups, n’oublions pas le dernier dollar pour… Ben franchement, on ne sait pas trop! Mais nous nous y attendions, chacun subit le même régime. Et ceux qui refusent de jouer le jeu des douaniers peuvent se retrouver dans des situations peu agréables…

A peine entrés au Cambodge, nous savons que notre séjour y sera trop court. Immédiatement, nous nous y sentons bien. Les gens sont très accueillants et nous viennent volontiers en aide. Malheureusement, nous n’avons que dix jours et faisons donc des choix plutôt classiques quant à nos visites. Sur la route qui nous mène à Phnom Penh, nous retrouvons les mêmes images que celles découvertes dans les campagnes laotiennes. Tout est très sec et la terre rouge se dépose partout. Phnom Penh, elle, ressemble bien à une capitale. Même si les locaux font encore leurs courses sur les marchés typiques qui sont toujours bondés, la ville compte quelques supermarchés. Nous sommes d’ailleurs contents d’y trouver quelques produits auxquels nous n’avons pratiquement pas goûté depuis notre départ. En plus d’un peu de confiture Bonne Maman qui n’a rien à voir avec l’unique gelée si chimique qui est servie partout… et d’un morceau de fromage, nous craquons pour un paquet de biscuits Kambly. C’est plutôt étrange, mais les rayons sont pleins de produits suisses: chocolat, biscuits, bonbons, muesli et même brosses à dents.

Si Phnom Penh est aujourd’hui une ville qui semble plutôt paisible, le calme n’y a pas toujours régné. Le 17 avril 1975, prise par les révolutionnaires khmers rouges, son aspect va totalement changer. De même que les autres grandes villes du pays qui sont vues comme des lieux d’inégalités et de perversions, en quelques jours, la capitale est entièrement vidée de ses habitants. Sous prétexte que les Américains vont bombarder la ville, tous reçoivent l’ordre d’évacuer vers les campagnes. Certains chargent leur voiture, leur moto ou leur vélo de quelques affaires utiles pour un voyage qui n’est censé durer que trois jours. Les plus pauvres n’ont que leurs jambes pour les porter. Certains malades sont même transportés sur leur lit d’hôpital. A cause des embouteillages, les déplacés ne parcourent que quelques kilomètres par jour. A la nuit tombée, ils s’installent au bord des routes, mangent le peu qu’ils ont sous la main et s’endorment comme ils le peuvent. Après quelques jours de marche, les familles sont recensées puis placées dans un village. Lors du recensement, ceux qui occupaient une place dans l’armée ou qui étaient fonctionnaires sous l’ancien régime tentent souvent de le dissimuler, de peur des représailles. Les Khmers rouges fouillent tout le monde. L’argent et les richesses sont confisqués. De toute manière, la monnaie n’est plus utile, puisqu’elle est tout bonnement supprimée. Quelques personnes parviennent tout de même à dissimuler certains biens précieux, des bijoux par exemple, qui leur seront utiles par la suite pour obtenir quelques rations de riz supplémentaires au marché noir. Car durant tout le temps où les Khmers rouges seront au pouvoir, le peuple aura faim. Les repas, pris en commun, sont souvent constitués d’une soupe de riz plutôt claire, parfois avec un peu de poisson. Chaque jour, mal nourris et forcés au travail agricole, des hommes, des femmes et des enfants meurent. D’autres, désignés comme des opposants au régime pour diverses raisons, disparaissent ou sont tout bonnement supprimés. En trois ans et huit mois sous ce régime, près de deux millions de Cambodgiens périront, soit environ 20% de la population. Certains, en prenant des risques énormes, tentent de s’enfuir. Parmi ceux qui y sont parvenus, quelques uns laissent des récits qui vous prennent aux tripes. Loung Ung, avec son D’abord ils ont tué mon père, ou Pin Yathay, avec Tu vivras mon fils témoignent de manière poignante. Leurs écrits nous accompagnent durant tout notre voyage au Cambodge. A Phnom Penh, d’abord, ils nous aident à mieux comprendre notre visite de Tuol Sleng, un ancien lycée transformé en le plus grand centre de détention et de torture par les forces de sécurité de Pol Pot, le leader du régime. Lorsque nous empruntons un petit train en bambou qui nous mène dans la campagne près de Battambang, je me demande comment était la région lors du régime Khmers rouges. Aujourd’hui plus attraction touristique que véritable moyen de transport pour les locaux, ils avancent grâce à un petit moteur. Autrefois, les conducteurs devaient utiliser de longues perches de bambou pour les actionner. Comme il n’y a qu’une seule voie, lorsqu’un autre véhicule vient en sens inverse, le « wagon » est entièrement démonté, transporté quelques mètres plus loin et remonté. Impressionnant! Lors de notre journée en bateau pour relier Siem Rep depuis Battambang, je me demande comment un pays d’une si belle beauté a pu connaître des heures si sombres. Voir des villages flottants était un de nos plus grands rêve qui est maintenant réalisé. Tout se passe sur le cours d’eau: les gens y habitent, y pêchent, y font la lessive ou s’y lavent, et font même… pipi sur les poissons! A l’heure de la sortie des classes, les jeunes n’enfourchent donc ni bicyclette ni scooter, mais reprennent leur barque pour rejoindre leur maison flottante.

Même si les procès des principaux dirigeants du régime Khmers rouges se sont ouverts il y a quelques années et qu’ils pourront peut-être aider les parties civiles à tourner la page, les événements ne seront jamais oubliés. Mais ce qui nous passe par la tête, c’est de penser que même si on dit « plus jamais ça » lorsque des horreurs humaines de ce type sont découvertes, d’autres massacres ont lieu.

4 réponses sur “Émouvant Cambodge”

  1. Hello à vous deux!!
    Je passe par là pour simplement vous souhaiter bonne suite! les photos sont tout simplement magnifiques!! J’espère que vos coeurs et âmes se remplissent de bonne façon de tous ces moments, tous ces paysages! Le voyage est magique…
    Je vous embrasse et au plaisir de vous retrouver!
    JB

  2. Je dois dire que je ne serais pas fière en face du serpent. Il a un air à deux airs!!! Comme je ne m’y connaît pas en serpents, est-ce un boa ou autre sympathique animal de la même espèce ? Le reste des photos nous laisse entre émotion et émerveillement! Many thanks!

  3. Encore une fois désolé de vous lire si tardivement (9 mars 2011).
    Quel magnifique reportage … et émouvant, en effet. Sophie, je crois que c’est toi la rédactrice. Bravo, tu as (et Fabrice aussi !) un réel talent ! D’ailleurs les photos aussi, depuis le début, comme les textes, sont toutes d’une exceptionnelle qualité.
    A propos des trains de bambous : comment peut-on tenir sur ces plate-formes quand on voit le « parallélisme » très approximatif des rails ?!? ça doit chahuter vilain !
    A propos de S21 et des Khmers rouges : la colère m’étrangle quand je pense que ce régime (un de plus) se fondait sur les théories d’un certain Marx ! … Que de crimes n’a-t’on pas commis en son nom … et dire que certains y croient encore !
    Tu as raison, Sophie :  » …c’est de penser que même si on dit « plus jamais ça » lorsque des horreurs humaines de ce type sont découvertes, d’autres massacres ont lieu. »
    Bien à vous deux.

  4. Je viens de lire votre billet qui est intéressant mais je me dois d’apporter une réponse supplémentaire sur les mésactions des Khmers. Il faut savoir que pendant la guerre du Viet Nam, les américains ont bombardé des villages cambodgiens tuant des milliers de villageois. Il faut savoir aussi que le coup d’état mené par les services secrets américains pour faire chuter le régime a été le déclencheur du mouvement Khmer Rouge. Je ne dis pas cela pour dire que ls Khmers Rouges ne sont pas d’immondes salopards mais aussi pour charger un peu les US et leurs alliés qui n’ont pas fait que de belles choses et qui, bien entendu, ne font jamais trop de pubs là-dessus (préférant filmer les boys pris sous les balles de ces méchants Viet Congs).

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